Si tu ne travailles pas bien à l’école, tu vas redoubler !
Cette phrase, tout le monde l’a déjà entendue. La peur d’être séparé de ses amis à la prochaine rentrée scolaire est censée motiver les élèves à se concentrer sur leurs lacunes en perspective du conseil des maîtres décisif du deuxième semestre.
Le débat sur l’efficacité du redoublement pour lutter contre le décrochage et l’échec scolaire durant les années de formation primaire secondaire revient régulièrement sur le devant de la scène et divise enseignants comme parents d’élèves.
Déjà en 2015, une étude menée par l’OCDE affirmait que le taux de redoublement en Suisse était surtout élevé dans les filières générales, mais avait tendance à baisser entre la première et la dernière année du gymnase1. Mais alors, qu'en est-il aujourd'hui ?
L'affirmation concernant la réduction du taux de redoublement chaque année au gymnase est toujours vraie à en croire les chiffres de 2024 sur le collège à Genève :
1e Collège
9%
2e Collège
8%
3e Collège
8%
4e Collège
4%
Des efforts ont étaient faits pour réduire le redoublement et ainsi réduire le décrochage scolaire statistique Suisse. Un fort changement de filière (passage de la filière générale aux filières moins académiques comme l'école de culture générale) a été constaté. Toutefois, des alternatives comme la mise en place de cours de soutien personnalisés et cours particuliers restent envisageables.
Le redoublement en Suisse : une tendance à la baisse
Sur les trente dernières années, le taux d’élèves ayant redoublé au cours de leurs années de scolarité dans l'enseignement primaire comme dans l'enseignement secondaire a diminué. Cependant, il faut rester prudent sur les chiffres et les affirmations. En effet, il existe une disparité entre cantons et tous n'ont pas publié de chiffres récents.
Ayant toujours été un sujet de débat, nous avons pu remarqué que ces dernières années, le taux de redoublement a été réduit en Suisse romande, chez les élèves de primaire. En effet, la grande majorité des enfants réussissent le degré primaire.
des élèves de primaire, soit 1 enfant sur 75, redoublent
Une légère différence par sexe s'observe également : les garçons sont 1,5% à redoubler contre 1,2% pour les filles. En outre, les taux de redoublement du primaire ne sont pas les mêmes selon la région linguistique, avec la Suisse romande ayant le taux de redoublement le plus élevé en degré primaire :
- Suisse romande : 1,3%
- Suisse alémanique et romanche : 1,2%
- Suisse italienne : 0,9%
Il est en plus à noter qu'une forte disparité existe au sein même des régions linguistiques2. Par exemple, le taux de redoublement du primaire à Genève est de 1,1%, tandis qu'à Neuchâtel, il représente 2,6%.
Le taux de redoublement dans le secondaire I est quant à lui plus élevé. C'est environ 9% des élèves qui redoublement au moins une année scolaire3.
des élèves suivant au début un parcours à exigences élémentaires redouble, et la moitié d’entre eux passe ensuite dans une filière à exigences plus élevé
Pourquoi faut-il parfois accepter le redoublement ? Ou se battre en engageant un prof spécialiste des cours particuliers ?
L'approche éducative suisse : une volonté de réduction des redoublements
La plupart des enseignant.e.s ne semblent pas réticients au redoublement. Cependant, même si l'objectif est d'offrir à un.e élève l'opportunité de combler ses lacunes et de maîtriser des bases solides pour poursuivre serainement sa scolarité obligatoire, plusieurs études montrent l'impact négatif.
Cela peut être parce que l'élève ne va pas pallier ses difficultés malgré le redoublement ou encore à cause des stéréotypes dues à la répétition de l'année. Tout au contraire, certains élèves vont choisir le redoublement en dernière année de scolarité obligatoire comme stratégie afin de se donner les chances d'entrer au gymnase.
Les effets pervers du redoublement
D’après une étude Pisa antérieure, les pays qui affichent un faible taux de redoublement obtiennent également de meilleurs résultats en matière de réussite scolaire.
Au niveau économique, il est difficile d'estimer le coût du redoublement. En effet, selon l'OFS, le coût était de 200 millions de francs dans le canton de Vaud.... en 2007, année qui correspond aussi au plus haut pic de redoublement en Suisse, sans parler du manque d'informations sur le décrochage scolaire statistique Suisse. Aujourd'hui, il est évident que le coût est bien moins élevé. Toutefois, l'autre élément dont il faut se souvenir, c'est que le redoublement retarde l'entrée sur le marché du travail de l'élève.
Voulez-vous en savoir plus sur le coût que représente un redoublement ?
L'école de l'inégalité sociale
En regardant les données de plus près, on constate aussi une disparité entre les milieux sociaux, mais aussi entre les catégories migratoires. Voici un tableau récapitulatif du taux de redoublement concernant les élèves du degré primaire par rapport à ces différents facteurs (selon l'article Lematin.ch déjà mentionné) :
Elèves étrangers nés à l’étranger et arrivés en Suisse après l’âge de six ans
2,8% de taux de redoublement (contre 1,1% pour les élèves de nationalité suisse nés en Suisse)
Elèves dont aucun des deux parents n’a achevé une formation post-obligatoire
2,1% de taux de redoublement (contre 1,3% pour les élèves dont au moins l'un des parents dispose d'un titre du degré secondaire II et 0,7% si au moins l'un des parents est diplômé d’une haute école)
Ainsi, les élèves issus de catégories socio-professionnelles plus favorisées redoublent beaucoup moins que les autres.
Un enfant dont le père est au chômage ou à temps partiel a deux fois plus de chance d’être concerné par le redoublement au cours de sa scolarité que si son père travaillait à plein temps. De même, un enfant élevé au sein d’une famille monoparentale a une probabilité de redoubler plus forte que celle d’un enfant vivant avec ses deux parents.
Le lien entre le milieu socio-économique des parents d’élèves et la performance de leurs enfants sur le plan scolaire est encore plus fort au sein des pays où le taux de redoublement est élevé. D’après les chiffres de l’OCDE, les systèmes éducatifs ayant le plus recours à l’option du redoublement accentuent les inégalités et favorise au passage le décrochage scolaire statistique Suisse.
Les dernières recherches ont démontré que la durée de la scolarité à l'école enfantine joue un rôle crucial dans l’avenir éducatif, d'où l'obligation d'y inscrire ses enfants dès l'âge de 4 ans. Enfin, plus surprenant, le mois de naissance d'un élève semble avoir un impact sur les probabilités qu'il redouble. Plus un enfant est né tard dans l'année, plus ses chances de redoubler sont importantes. Ce facteur est notamment le sujet d'études psychologiques et sociologiques.
Que font les autres pays en matière de redoublement ?
Pour lutter contre le décrochage scolaire, l’Italie a mis en place des écoles d’été pour ses élèves en difficultés, afin de les accompagner dans leur apprentissage. Le passage en classe supérieure est alors conditionné par la réussite à un examen. D’après les experts, cette approche éducative serait particulièrement adaptée pour les classes de l’école primaire. La mise en place de classes à effectif réduit apparaît également être une bonne option.
D’autres pays, comme l’Allemagne ou l’Espagne, ont mis sur pied un programme de formation similaire. En fin d’année scolaire, les élèves faisant preuve de lacunes dans certaines matières doivent suivre des cours de rattrapage pour pouvoir valider leurs acquis et accéder au niveau supérieur.
Plus radicaux, le Japon et la Norvège ont tout simplement interdit la pratique du redoublement. Cette mesure est le fruit d’une révolution pédagogique de leurs systèmes scolaires. Elle s’accompagne de la mise en place d’un suivi personnalisé des élèves afin de faciliter l’apprentissage et prévenir l’échec scolaire. Cette "promotion automatique" est également utilisée par un tiers des pays européens lors des premières années de l'école primaire. Un moyen d'éviter le redoublement précoce.
Du redoublement à l'accompagnement
Une efficacité fortement remise en question
Du point de vue psychologique, le redoublement peut avoir des effets néfastes sur un élève, notamment chez l’adolescent.
Les principales critiques à son égard lui reprochent de favoriser le décrochage scolaire en faisant perdre la motivation des élèves concernés et en détériorant l'estime de soi.
Le retard de ces élèves peut alors se creuser et être à la source d’une souffrance ainsi que de problèmes de discipline. Souvent vécu comme une punition, le redoublement est accusé d’être inefficace, injuste, voire contre-productif en entretenant les inégalités sociales. Longtemps perçu comme un remède à l'échec scolaire, les avis sur cette pratique pédagogique sont donc en train d’évoluer.
En règle générale, le redoublement est à l’origine d’un sursaut lors de la première année, mais n’a pas d'effet significatif sur le long terme.
De récentes études démontrent même un effet négatif sur les parcours scolaires en comparaison avec des élèves de même niveau ayant poursuivi dans la classe supérieure sans redoubler. La fin du redoublement en Suisse, parfois évoquée, serait en revanche dangereuse pour la réussite des élèves si elle devait être appliquée brutalement.
Pour le moment, l'accord des parents reste nécessaire et l'avis du maître de classe doit être entendu. Ce dernier dispose d'une bonne connaissance du système éducatif et de l'élève, sur le plan scolaire. La décision finale ne lui appartient pas, mais un rendez-vous offrira une meilleure lecture de la situation.
Les alternatives pour offrir une seconde chance
Si le redoublement est souvent accusé de bien des maux, il constitue pour de nombreux élèves une façon de trouver leur voie.
Le redoublement en vue d’un changement ou d'une préparation de filière a toujours les faveurs des équipes pédagogiques comme des parents d’élèves. Il est alors perçu comme bénéfique, à condition de s’inscrire dans un projet scolaire et professionnel bien défini.
Pour lutter contre l’échec scolaire dans l'enseignement primaire comme secondaire, de nouvelles formes d’aide aux élèves en difficulté se développent. Ainsi, l’accompagnement individualisé des élèves permet de déconstruire l’idée de classe. Par exemple, au Japon, des groupes de niveaux scolaires différents sont formés pour faire appel à l’entraide, via un système de tutorat entre élèves. Ces formules d’enseignement coopératif sont doublées par la mise en place d’une relation développée avec les parents d’élèves.
Les taux de réussite de ces nouvelles méthodes pédagogiques sont très encourageants, aussi bien sur le plan des résultats scolaires que sur celui de l’équité. Pour les élèves suisses, ces techniques de pédagogie différenciée peuvent être appliquées via un accompagnement dans des matières particulières. Le soutien scolaire, les cours à domicile ou l’aide aux devoirs sont également des moyens pour mener les élèves vers une amélioration marquée de leurs résultats scolaires au cours de leur formation obligatoire et de leur formation post-obligatoire (à savoir le gymnase / collège / lycée selon le canton).
Au final, qui a le dernier mot sur le redoublement ?
Sources
- Ville de Genève, mise à jour 2024 : https://www.geneve.ch/themes/culture/bibliotheques/interroge/reponses/connait-le-taux-de-redoublement-par-annee-scolaire-des-eleves-du-college-geneve
- Lematin.ch, 2021 : https://www.lematin.ch/story/les-romands-redoublent-plus-que-les-suisses-allemands-854549861610
- Laura Beaudouin, mémoire de master, Le redoublement à l’école obligatoire - Enjeux pour les perceptions de soi et les aspirations de formation des élèves en Suisse : TravaildeMaster_BeaudouinL.pagedegarde.pdfA.pdf
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