Lorsque l'on établit les fondements d'une langue, on s'attend au départ nécessairement à ce que toute personne respecte les règles fixées nouvellement pour que l'on se comprenne autant que possible. C'est ce qui est censé faire l'unicité d'un peuple, d'ailleurs. Cependant, selon les zones géographiques au sein desquelles une langue est usitée, il est évident que la langue en question va finir par se découper en plusieurs types de langages variés, plus ou moins fortement éloignés de la langue originelle. C'est ce que l'on appelle des dialectes et des argots.
Les dialectes concernent en réalité les différentes régions, les secteurs avec des accents particuliers faisant sortir de nouveaux mots de toute langue. Il peut parfois s'agir d'anagrammes ! En ce qui concerne le français, par exemple, on repère une foule de dialectes différents selon les régions : le basque, le breton, l'alsacien, le picard… L'argot possède une définition différente !
Qu'est-ce que l'argot exactement ?
L'argot se différencie du dialecte par le fait que, tout d'abord, il ne s'agit pas d'un véritable "langage" à lui seul. L'argot consiste plutôt à l'apport de certains mots au vocabulaire courant français, sans pour autant qu'on ne puisse le parler en en faisant une langue à part entière. Autant il est possible de parler en patois intégralement, mais en argot, on ne fait qu'ajouter des mots extérieurs à la langue sans complétement changer l'intégralité du vocabulaire. Il n'y a ainsi pas réellement de question d'accents ici.
L'argot est un mélange d'apports de mots venant à la fois : du milieu professionnel, des différents dialectes parlés ainsi que des langues environnantes. Il s'agit donc d'un réel mélange d'apports !
Les mots d'argot couramment utilisés en français
Sans vouloir trop généraliser, on peut dire que la plupart des termes d'argot utilisés de manière courante aujourd'hui dans la langue française sont plutôt d'ordre courant voire parfois familier. Il est d'ailleurs logique qu'on ne les enseigne pas en cours de français lausanne. Des mots comme "meuf", "taf" ou encore "clope" appartiennent en effet à ces deux registres. Disons qu'on ne va pas les utiliser devant son patron ! Bien souvent, ce sont des termes utilisés de manière à aller plus vite, à se faire comprendre rapidement.

L'argot français est principalement utilisé lorsque l'on est en situation de confiance, de relaxation et de détente. En effet, on utilise de l'argot principalement avec les amis, la famille, le petit copain… L'argot français est réputé comme étant le domaine du registre familier français ! Nous sommes certains que vous avez tous et toutes utilisé au moins la moitié de cet argot voir plus dans votre vie :
Les noms d'argot en français utilisés au présent ou au passé
Pour le domaine professionnel, de manière globale sans rentrer dans aucun détail et sans s'attacher à un seul secteur professionnel en particulier, on peut apercevoir de nombreux termes d'argot français liés au travail, quel qu'il soit. Tout d'abord, pour parler du travail, de manière familière, on parle du "taf" ou encore du "boulot". Une entreprise est appelée couramment une boîte. "Dans quelle boîte travailles-tu ? Dans la boîte de ma mère/mon père. C'est très courant !" Et tout le monde comprend cet argot, jusqu'ici.
Les voitures sont également sujettes à l'argot français. On parle de "caisse", de "bagnole" ou encore de "tire". Il faut dire que les deux premiers sont très courants, cependant, le terme d'argot "tire" est de moins en moins utilisé. Il l'était beaucoup avant, provenant du verbe pronominal "se tirer", autrement dit s'enfuir, partir. Une moto, quant à elle, est appelée bécane. Le mot "bécane" en argot français est de moins en moins utilisé, il l'était beaucoup au temps des blousons noirs et des rockers, cependant, on tend à remplacer aujourd'hui cet argot par un autre : ainsi, dans le secteur informatique, une "tire" est devenue de manière très récente un ordinateur…
Pour désigner des personnes, surtout chez les jeunes, qui sont plus friands de cet argot-ci, on dit alors : "un mec" pour un homme/un garçon, ou "un type", "un gars". Pour une femme/fille, on dira "une meuf", "une nana" ou encore "loute" pour le Nord de la France par exemple !
Les expressions d'argot purement suisses
En Suisse, il y a beaucoup d'utilisations d'argot également. Mais l'argot suisse n'est pas le même que l'argot français, luxembourgeois francophone ou encore wallon ! L'argot suisse francophone est bien particulier et ne s'emploie que dans les régions concernées. Voici donc une liste non exhaustive des principales expressions suisses que vous pourrez voir en détail en cours de français et que l'on n'utilise pas en dehors de cette partie du monde francophone !
Les noms communs de l'argot suisse
- Notre "mise à bain" signifie, pour les francophones non Suisses, "Interdit d'entrer/de circuler"
- En Suisse ainsi qu'un Belgique, un "logopédiste" est un "orthophoniste" ;
- Borne hydratante = borne d'incendie (eh oui !)
- Vide galetas = vide-grenier
- Un café (au) renversé = un grand café au lait

- Le petchi = le désordre total
- Un clopet = une sieste
- La fête des promotions = la fête des écoles
- Maman de jour = assistante maternelle, baby-sitter, nounou
Certaines de ces expressions peuvent réellement surprendre à l'étranger ! En effet, si quelques uns demeurent proches de l'expression "classique" en dehors de l'argot suisse, il faut cependant noter que certaines de ces expressions apportent le doute ! Qui comprendrait, en dehors des Suisses comprenant l'argot du pays et en dehors de ceux qui prennent des cours de français à genève, ce que signifie une "maman de jour" ?
Il faut d'ailleurs préciser que tous les Suisses ne connaissent et ne maîtrisent pas nécessairement l'argot suisse, tout comme dans les autres pays, les habitants ne maîtrisent pas tous nécessairement le patois de leur région.
Les verbes de l'argot suisse
En avant pour les verbes maintenant !
- Mettre son signofile = mettre son clignotant (en voiture)
- Faire une cuite = faire une lessive (eh non, il ne s'agit pas de l'expression "avoir une cuite", être ivre !)
- S'encoubler = s'empêtrer, s'embourber
- Faire la bringue = ressasser, parler toujours de la même chose
- Donner un bec = Embrasser sur la joue (la fameuse bise !). Il faut savoir que cet argot est également parlé au Québec, et non pas qu'en Suisse !
La liste n'est certainement pas longue, mais inutile de toutes les mentionner !
L'argot ancien
La plupart des expressions citées jusqu'ici sont bien des expressions de français que l'on utilise encore aujourd'hui, à quelques expressions près. Cependant, il serait judicieux de nous intéresser à présent aux expressions d'argot français qui datent d'il y a très longtemps ! Et ainsi de constater à quel point, finalement, tout dans le langage n'est qu'habitude et usage ! Il peut parfois même s'agir d'argot provenant du francien pourquoi pas ! Certaines expressions vous sembleront étonnantes, étranges voire ridicules car ne semblant pas avoir de sens, et pourtant… Combien de personnes dans les générations futures diront la même chose du français actuel.
L'argot à la mode au XVIIIe siècle
Question littérature francophone, qui dit XVIIIe siècle dit… Victor Hugo, nécessairement ! Dès le début du XVIIIe siècle, en France, l'argot français est à la mode. Rappelons qu'historiquement, la Suisse est sous domination française entre 1798 et 1848, ce qui explique notamment pourquoi l'argot de cette époque est commun aux deux pays ! L'argot était tellement utilisé chez Hugo, mais également chez Balzac ou encore Sue qu'on en vint à parler d'un argot snobe, comble de l'ironie ! L'argot français, comme tout argot d'ailleurs, est généralement utilisé dans les milieux plutôt pauvres et isolés.

Quoi qu'il en soit, la littérature l'utilise afin de dépeindre des personnages issus de ces milieux, et à force d'usure, l'argot s'élargit dans son utilisation, par le biais de la littérature donc notamment. L'art est un puissant moyen de véhiculer certains argots, en effet !
Marcel Schwob
De nombreux textes de l'auteur français témoignent d'un usage récurrent de l'argot. Ainsi, quelques exemples :
Surin au poing et ventre au riffe
C’est ainsi qu’il faut calancher
Ho la camarde nous agriffe
Veinards en train de pitancher
Oublions la Muette gourde :
Buvons ferme – et prêtons l’esgourde
Poèmes en argot, « La Lanterne rouge ».
Victor Hugo
Hugo se sert généralement de l'argot pour faire exprimer à ses personnages le dégoût qu'il éprouve semble-t-il envers cet argot du XVIIIe siècle, tel qu'on le voit dans Le Dernier Jour d'un condamné, en 1829. Le condamné à mort entend une voix de jeune fille, voix qui l'enchante et l'attire, mais de cette bouche sort un argot qui le répugne.
L'argot chanté par la jeune fille :
M’dit : Qu’as-tu donc morfilé ?
Maluré.
J’ai fait suer un chêne,
Lirlonfa malurette,
Son auberg j’ai enganté,
Lirlonfa maluré.
Son auberg et sa toquante,
Lirlonfa malurette,
Et ses attach’s de cés,
Lirlonfa maluré.
A ces paroles, le condamné exprime intérieurement son dégoût :
« Je n’en ai pas entendu et n’aurais pu en entendre davantage. Le sens à demi compris et à demi caché de cette horrible complainte […] et tout cela chanté sur l’air le plus doux et par la plus douce voix qui ait jamais endormi l’oreille humaine !… J’en suis resté navré, glacé, anéanti. C’était une chose repoussante que toutes ces monstrueuses paroles sortant de cette bouche vermeille et fraîche. On eût dit la bave d’une limace sur une rose. »

La très grande majorité des termes employés dans la complainte de la jeune femme sont aujourd'hui désuets, et donc plus du tout utilisés ni même compris. A titre d'exemple, le terme de "avoir morfilé" signifie en réalité "avait fait", mais il s'agit d'un vocabulaire utilisé essentiellement par les Bandits d'Orgères, et donc, plus personne ne comprend aujourd'hui cette expression ni son utilisation car elle était liée à un contexte précis !
Que veut dire "faire suer un chêne" ? En argot de l'époque, cela signifiait "tuer un homme", mais en général un homme d'un certain âge car l'utilisation de "chêne" fait en fait référence, métaphoriquement, à un homme "chenu". Le terme "auberg" renvoie quant à lui à l'argent, tandis que le verbe "enganter" signifie "prendre à pleines mains". De même, le terme de "toquante" est très très peu utilisé de nos jours alors qu'il l'était beaucoup à l'époque. Il s'agit en fait d'une montre ! La langue des signes est une langue à elle seule, et elle peut contenir également de l'argot !
Nous remarquons, chez de nombreux auteurs de l'époque utilisant moult termes d'argot (à foison en effet !) que certains termes sont particulièrement prisés par leurs auteurs. Ainsi, chez Rictus, on retrouve toujours les mêmes, à peu près : "cagnotte" (encore utilisé !), "renipper" (remettre à neuf), "poireauter" (également encore beaucoup utilisé !), "muff" (manchon d'aujourd'hui, mitaine)… Et tant d'autres !
Nul doute que de nombreux argots viendront à voir le jour dans les générations futures !